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Levy Isabelle 56 ans - Volontaire Décembre 2016

Je viens de boucler ma valise : draps, serviettes de toilette, oreiller, produits de toilette, chaussures montantes, médicaments, attestation d’assurance pour rapatriement sanitaire, certificat médical… On pourrait croire que je pars en expédition pour le fin fond de l’Amazonie ; seulement deux semaines de volontariat civil chez SAR-EL suivie d’une semaine de (vraies) vacances à Tel-Aviv.

Sar-El est chargée d’accueillir des volontaires de 50 pays dans le monde désireux d’apporter un soutien à Israël par un travail bénévole dans une base de Tsahal, éloignée autant des zones à risques que des villes. En somme, on peut se retrouver au milieu de nulle part mais, chut : Tsahal nous dira tout de notre base d’affectation déterminée en fonction des besoins immédiats lorsque nous aurons mis les pieds sur le sol israélien. Pas avant. C’est une surprise. 

Pourquoi offrir bénévolement deux semaines de mon temps à Tsahal ?

 

Pour honorer une promesse faite à mon père, Wilfrid Lévy, qui s’est rendu plus de douze fois en volontariat civil. Nous nous étions promis de faire ensemble au moins un séjour pour partager cette riche expérience humaine. De plus, ce serait l’occasion pour moi de rédiger un article pour Actualité Juive pour plébisciter Sar-El, Tsahal, Eretz Israël… Mon planning professionnel plutôt chargé ne me l’a jamais permis et j’ai reporté ce projet d’année en année. Depuis, papa est décédé, et après avoir reporté encore et encore la réalisation de cette promesse, j’ai décidé de passer le pas en cette fin d’année 2016.

Début novembre, rendez-vous dans les bureaux parisiens de Sar-El où on se souvenait fort bien de « ces deux Messieurs Lévy, frères jumeaux ». Non, mon père n’était pas jumeau (même si ma famille en compte de nombreuses paires) mais est toujours parti accompagné de son frère André dans cette aventure (sans oublier deux de ses proches cousins). Je raconte mon désir de partir en volontariat civil pour marcher dans les pas de mon père ; on me conte avec franchise la réalité qui m’attend…

Je résume : les bases ne sont pas des hôtels 4 étoiles et ne proposent pas un séjour touristique.

 

Du dimanche au jeudi, on travaille bénévolement de 8h à 16h environ. Les activités concernent essentiellement la préparation et la maintenance des équipements de l’armée : préparation de trousses médicales ou de paquetages pour soldats ; conditionnement de rations alimentaires, de pièces détachées et de vêtements ; maintenance de véhicules…

Si aucune disposition n’est requise pour assumer les différentes tâches, quelques règles de vie à souligner : Réveil à 6h. Petit-déjeuner entre 7h et 7h30. Lever du drapeau entre 7h30 et 7h45. Dîner vers 18h. Nourriture strictement “kasher” sous la surveillance du Rabbinat de  l’armée mais on peut manger végétarien. Les repas sont pris en commun avec les soldats.

Je développe ?

 

Port de l’uniforme obligatoire pendant les heures de travail. Logement dans des chambrées similaires à celles des soldats. Si Tsahal fournit un sac de couchage et des couvertures, jamais de draps et d’oreiller.

Les conditions de rangement sont très sommaires, des petites armoires avec impossibilité d’y suspendre des vêtements. Les volontaires sont chargés de l’entretien de leur logement et parfois même d’y faire le ménage avant de s’installer. Pas de machine à laver le linge à disposition (même à pièces), ni séchoir, ni climatiseur (mais ventilateur en été et chauffage en hiver)… Filles et garçons dorment séparément (y compris les couples mariés). Pour des raisons évidentes de sécurité, les sorties des bases le soir sont interdites, exceptées celles organisées par l’encadrement…

Après une telle présentation, sans doute de nombreux candidats prennent leurs jambes à leur cou et courent loin d’un tel descriptif d’un séjour de travail sans confort et dans un cadre réglementaire strictement « militaire ». Plus encore de volontaires cumulent les séjours de volontariat sans même sourciller.

 

Pourquoi ?

1. Permettre à l’État d’Israël d’éviter des dépenses dans la mobilisation de réservistes en les remplaçant par des volontaires dans des tâches civiles. 

2. Apporter un soutien moral aux soldats de Tsahal qui œuvrent sans répit pour la sécurité d’Israël. 

3. Renforcer les liens de solidarité entre la Diaspora et Israël.  

4. Permettre une meilleure connaissance de la réalité Israélienne. 

Promesse oblige faite à mon père et curieuse de nature de découvrir la réalité du terrain, je m’engage à mon tour pour deux semaines. Mon dossier dûment complété et un chèque de 110 euros scellent mon inscription.

A peine le nez dehors, je me mets en quête auprès de l’agence de voyage plébiscitée par Sar-El de mes billets d’avion. Elle n’a aucune proposition à me faire aux dates allouées. En effet, j’ai rendez-vous à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv le dimanche 18 décembre à 13h, en pleines vacances scolaires. Un mois avant, la majorité des vols sont déjà complets. Evidemment, je pourrai partir quelques jours avant mais mon planning professionnel ne me le permet absolument pas. Par contre, impossible de rallier la base par mes propres moyens au-delà de la date ou de l’horaire du rendez-vous prescrit. Après l’heure, ce n’est plus l’heure ! Donc je passe un temps fou sur Internet avant de décrocher mon graal : un billet d’avion aller/retour et une chambre d’hôtel à Tel-Aviv pour ma semaine de vacances à des prix corrects au vu de la saison mais exorbitants au demeurant. Aucune ristourne n’est accordée aux volontaires civils ce qui est bien regrettable.

 

Sans tarder, je contacte la rédaction de l’hebdomadaire Actualité Juive : je propose de rédiger un article à paraître à mon retour pour y relater mon expérience. Accepté. Il ne me reste plus qu’à compter les jours qui me séparent de mon voyage… et honorer enfin ma promesse faite à mon père voilà déjà plus de douze ans. Mieux vaut tard que jamais.   

Aujourd’hui, veille de mon départ, ma valise est bouclée (très difficilement), mon taxi réservé, mon passeport en poche. Je suis impatiente d’y être.

 

18 décembre 2016 - Départ ce matin en taxi pour Orly à 4h pour éviter les blocages organisés par Uber. Hier des centaines de passagers ont raté leur vol ! Je ne sais pas pourquoi j’ai bénéficié de contrôles minutieux sur toutes les coutures : confiscation de mon passeport pendant dix minutes, fouille au corps, mon sac à main à été vidé comme mon sac de voyage...

 

Est-ce dû à mon patronyme ? Ma destination : Israël ?

 

Pour me remettre de mes émotions (très) matinales et d’une nuit trop courte, je prends un bon petit déjeuner avant d’embarquer. Dommage que Sar-El ne nous ait pas préalablement communiqué la liste des volontaires, j’apprendrai à l’atterrissage que quelques uns partageaient le même avion que moi... Nous aurions pu faire connaissance le temps du vol.

Rendez-vous à l’aéroport Ben-Gourion de Tel Aviv à 13h. Certains volontaires patientent depuis deux heures du matin, un autre est retenu par les autorités douanières jusqu’à plus de 16h. Nous sommes heureux de monter enfin dans le car qui nous conduit jusqu’à notre base militaire située à Rishon LeZion, à 20 minutes de Tel-Aviv. Ce n’est pas une base de combattants mais de soldats intervenant lors de missions de sauvetage ou d’action humanitaire.

 

19 décembre 2016 - Premier jour de travail sous un superbe soleil pour la matinée et pluie en alternance l’après midi. Nous avons vidé et rempli deux containers de matériels de sauvetage : vêtements, masques à gaz, bottes, gants, batteries, clous...

Nous découvrons le réfectoire des jeunes soldats âgés d’une vingtaine d’années. Certains nous interrogent sur notre présence, nos origines géographiques, nos motivations…

 

D’autres nous ont traités de "maboul" pour payer pour venir leur donner un coup de main. Quelques-uns sont venus vers nous pour nous féliciter pour notre dévouement. La majorité nous ignore complètement.

Les repas s’avèrent parfois délicieux dignes de grands restaurants, d’autres fois d’une composition très sommaire. S’ils étaient toujours très copieux, ils manquaient de légumes cuits et de fruits selon mes préférences culinaires.

Après dîner, chaque soir, notre madriha du moment (nous en aurons cinq pendant nos dix jours effectifs de volontariat, vacances de Hanouccah oblige) organise une activité avec le groupe. Le plus souvent, un exposé sur des thématiques diverses : initiation à l’hébreu, la fête de Hanoucca, les grands moments de l’histoire d’Israël et ses héros, Tsahal… Ensuite, nous regagnons nos chambrées pour un repos bien mérité. Nous n’étions pas en vacances mais en volontariat et chaque jour apportait son lot de containers à trier.

 

20 décembre 2016 - Les jours se suivent et se ressemblent. Nous avons vidé et trié dans la bonne humeur tout un container de sacs de couchage, bottes, vêtements, masques... Notre organisation est optimale grâce aux précieux conseils des anciens et de notre kiné de service.

Toutes les filles sont tombées « amoureuses » de Tom, notre chef, autant de sa force tranquille, de son sourire que de sa bienveillance à notre égard. Les garçons l’apprécient aussi. Il est littéralement subjugué par la quantité de travail que nous abattons chaque jour et à plusieurs reprises nous a félicités pour le travail accompli. Il est épaulé par Slomi, un réserviste et Dima, un jeune recru (tous deux, la gentillesse à l’état pur). Ce soir, nous sommes absolument vannés mais heureux.

Un petit mot sur notre groupe qui compte douze recrues (par ordre alphabétique, pour éviter toute imputation de préférence) :

  1. Esther, éprise d’Israël autant que de ses deux fils, l’un a fait son alya.

  2. Frédéric, professeur de français et philosophe à ses heures, protestant de confession, s’interrogeant sur une éventuelle conversion au judaïsme.

  3. Jacques, belge, protestant de confession, passionné par l’étude des textes bibliques autant que par l’histoire du peuple juif.

  4. Jean, kinésithérapeute – ostéopathe, huit volontariats au compteur, aux petits soins de tous les squelettes du groupe. Un grand merci pour tes précieux conseils et tes mains d’or.

  5. Martine, toujours bien mise même en uniforme (comment fait-elle ?), plusieurs fois maman dont un fils qui a fait son alya, premier volontariat par curiosité. Notre traductrice si appréciée avec notre trio de chefs.

  6. Mickaël, évangéliste, attaché aux Saintes Ecritures comme à la Terre d’Israël.

  7. Monique, médecin à la retraite, poursuit bénévolement sa tache comme un sacerdoce au Maroc, Cambodge, Vietnam. Merci à elle pour ses bons soins.

  8. Naomi, 20 ans, la benjamine, un véritable rayon de soleil. Son alya : une évidence pour elle (et pour nous) dès la fin de ses études d’Ingénieur agronome.  

  9. Patricia, catholique, accompagne Monique dans ses missions de bénévolat. Et dire que toutes les deux déboursent des sommes faramineuses pour aider leurs prochains à l’autre bout de la terre. Respect !  

  10. Patrick, orthodoxe moderne, « sioniste jusqu’à la moelle », père de 7 enfants dont 3 qui ont fait leur alya. 

  11. Solange, 82 ans, notre doyenne, vingt-huit volontariat au compteur… et d’autres à venir. Nous espérons avoir autant la pèche lorsque nous aurons atteint son âge.

  12. Et moi, votre serviteur !

Quatre autres nous ont rejoints en seconde semaine :

  1. Claude, plus d’une dizaine de volontariats et toujours pas rassasiée !

  2. Jean-Claude, trois volontariats. Très malade pendant le séjour, nous avons peu échangé.

  3. Lydie, petite-fille de Justes, en cours de conversion au judaïsme, prévoit son alya et son entrée dans la Police israélienne prochainement.

  4. Raphaël, polonais, en cours de conversion au judaïsme, vers une pratique orthodoxe.

Comment un groupe aussi hétéroclite en âges, croyances, origines, objectifs peut-il s’entendre ? C’est toute la magie de Sar-el et du bon vouloir de chacun. Nous sommes sincèrement empressés de nous revoir. De belles amitiés sont nées au cours de notre séjour.

 

21 décembre 2016 – D’autres containers sont vidés et triés sous un beau soleil hivernal et renouvellement des compliments de Tom. Après le don d’une casquette, remise d’épaulettes de Sar-el avec petite cérémonie organisée par nos madreroth après le lever du drapeau (à 8h30 précises, s’il vous plaît). Demain, après une matinée de travail, nous partons tous en week-end jusqu’à dimanche 9h. Selon le choix de chacun, certains vont rejoindre leur famille, d’autres seront hébergés à la Maison du Soldat de Yaffo, quelques autres et moi-même dans un hôtel à Tel-Aviv. Chacun occupera à sa guise ses trois jours de liberté très appréciés par tous.

 

25 décembre 2016 – C’est le premier jour de Hanoucca. La veille, j’ai participé à l’allumage de la première bougie sur le boulevard Ben-Yehuda. On dansait et chantait dans toutes les rues de Tel-Aviv (et de tout Israël). Agréable moment de communion populaire.

Tout le groupe est heureux de se retrouver. Retour à la base sous des trombes d’eau. La journée et la nuit ne suffiront pas pour que sèchent nos doudounes. On se demande comment nous allons pouvoir travailler en plein air. Heureusement, nous avons eu du soleil ces trois derniers jours malgré un vent parfois glacial. 

Dans la base, nous croisons des sabra mais aussi de nombreux jeunes aux origines géographiques multiples qui ont fait leur alya, sans oublier des Druzes, des bédouins et des Falashas. Tous unis vers un seul et unique objectif : œuvrer pour la paix en Israël. Une multitude de langues et dialectes concourent à perpétrer une véritable tour de Babel.
 

26 décembre 2016 – Ce matin la base est inondée. En plusieurs lieux, on compte plus de dix centimètres d’eau. Nous sommes obligés de faire de nombreux détours lors de nos déplacements. Beaucoup ont mis des sacs plastiques au-dessus de leurs chaussures pour limiter les dégâts.

Mais aujourd’hui, le soleil brille. On a pu travailler en extérieur : tri de casques, gilets de sauveteur, lampes frontales, capes de pluie, matériels divers et j’en passe. Encore deux jours de boulot et c’est la quille ! Ce soir, nous apprécierons d’aller à la rencontre d’une jeune militaire sur son lieu de garde près du stock de munitions, elle nous fera part de sa préparation pour intervenir sur le terrain humanitaire. 

 

27 décembre 2016 – 24 heures de pluie et de grêle. Et cela continue encore et encore. Beaucoup d’Israéliens reconnaissent qu’il pleut rarement autant, même à cette période. À certains endroits plus de quinze centimètres d’eau au sol.

Si nous avons travaillé aujourd’hui dans des hangars remplis à ras-bord de gants, gilets et autres accessoires de sauvetage, nous avons aussi beaucoup exercé nos talents sous la pluie. Nous étions si trempés que nous avons ralenti la cadence et même abandonné nos postes. Nous pouvions nous le permettre, nous avions abattu beaucoup de travaux la semaine dernière. Les chefs nous y encouragent. On se réchauffe en buvant café ou thé et en dégustant friandises et gâteaux. Il va falloir oublier ces pauses gourmandes dès notre retour.

Midis et soirs, toute la semaine, nous avons droit à des beignets. Bien entendu, on procède à l’allumage des bougies. C’est Hanoucca, nul ne veut l’oublier.

 

28 décembre 2016 – Nous venons de rendre nos uniformes et on nous a remis un joli diplôme. Nos valises sont bouclées. Comme nous avons l’interdiction de sortir de la base, nous nous concoctons une petite soirée dans nos chambrées. 

Demain, c’est la quille ! Après la visite en groupe de la maison de Ben-Gourion à Tel-Aviv, mes vacances débuteront. D’autres poursuivront leur séjour en famille, certains rentreront pour des raisons le plus souvent professionnelles.

Je vais consacrer ma semaine de vacances à des visites de musées : Diaspora, Palmach, Centre Rabin, Hall de l’Indépendance… Je bénéficierai de billets à tarif réduit le plus souvent, et parfois même à la gratuité avec ma carte de volontaire de Sar-el.

 

29 décembre 2016 – Nous nous séparons avec beaucoup d’émotion, nous nous sommes si bien entendus. Nous sommes tous ravis du travail que nous avons accompli dans la joie et la bonne humeur ; dans les réflexions bibliques, talmudiques et philosophiques ; dans des échanges politiques, religieux et humanitaires. Sans aucun doute, nous nous retrouverons de nouveau lors d’un prochain volontariat civil chez Sar-el.

Isabelle Lévy

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